12.6.07

Out of Africa

Ce qui est génial avec l'Afrique du Sud, après les onze heures de vol, en espérant qu'il n'y aura pas eu un môme en bas âge pour pleurer tout le voyage, en particulier avec un père qui ne sait pas gérer les desespoirs nocturnes de son mouflet, c'est qu'il n'y a pas de décalage horaire.
Cela dit, arrivant à six heures du matin, on s'en fout. Six heures du matin c'est dur partout.

Après avoir dormi le temps du transport entre l'aéroport et la ville, on arrive à l'hotel. On imagine un lieu cosmopolite, au coeur de la ville. On se retrouve dans un building à cinq étages aseptisé au coeur d'un village toscan en stuc, avec gallerie marchande et casino, entouré de grands murs, de barbelés, de plusieurs passages de sécurité et avec des gardes armés. Las Vegas au pays de la méfiance.

On dit que Johannesburg est l'une des villes les plus dangereuses du monde. J'ai du mal à le croire tant la confrontation me semble exclue. Alors disons l'une des villes les plus peureuses du monde?

Enfin nous y sommes! Nos chaperons attitrés vont nous faire le tour du propriétaire après que nous ayons déjeuné. Après tout, la curiosité n'est que la fille de la satiété. Nous mangeons donc, avec une lenteur du service qui nous rappelle, dans notre impatience, les enfants gâtés que nous sommes.

Nous voilà partis. Première étape: un brocanteur pour touristes. On a du mal à desirer ces objets qui ne veulent rien dire. Et vips, nous voilà repartis.

Deuxième vague, une tournée des bas fonds de la ville, cloîtrés dans le 4x4 de nos hôtes. C'est laid, c'est ravagé par le temps et l'absence d'entretien. Pour quoi faire? Il n'y a que des blacks ici! Pas d'habitations mais des "malls" à l'américaine, décharnés par une offre africaine et des visiteurs désargentés. S'y côtoient des services du tiers monde et des revendeurs à la sauvette pakistanais ou nigerians avec des edredons à motifs seventies et du matériel hi fi de cinquième main. Les gens de petits jobs font la queue aux arrêts de taxi-brousse pour retourner en deux heures à leur townships dont nous ne savons pas encore de quoi ils ont l'air. Un autre groupe s'est rendu à Soweto, peut-être pour en savoir plus sur la véritable Afrique du Sud, sûrement pour se donner bonne conscience: " je ne suis pas resté enfermé dans mon ghetto de riches "

Sur les collines nous contemplons les autres collines de la ville. Pour quel devenir? Et nous rentrons.

Six heures du matin est notre heure africaine. Nous sommes déjà sur place pour ramener au nord des impressions d'Afrique en 16mm. On nous a trouvé une reserve pas trop loin avec un "vrai" village zoulou.

A l'arrivée, et je n'ai pas eu la chance de croiser la faune dont on m'a vanté la présence dans ce lieu "authentique", les trente tonnes sont alignés et ont dégueulé le matériel digne d'Hollywood itself. Le vacarme des groupes eléctrogènes nous informe que l'usine est en état de fonctionnement.

Je regarde les huttes zoulous, au sol en ciment, et les tambours, lances et boucliers de peau - je cherche l'accessoiriste - qui doivent me convaincre que ce lieu est "habité". L'angoisse monte. Est-ce que nous nous sommes bien compris à Paris? Qu'est-ce qui pourra bien sortir de cet endroit autre que des visions factices, des images stéréotypées comme sorties des livres d'histoires précoloniaux? Mais non, ma vieille, tu prolonges le mouron de ton arrivée!

Et les voilà, les autochtones. J'imagine qu'ils portaient des jeans et des jupes en polyester avec des t-shirts à marque et des baskets comme tout le monde en sortant du bus qui les amène du village voisin. On me le confirme. Mais là! Ils sont presque nus, avec un thermomètre frôlant les douze degrés, avec les peaux en acrylique, découpées en bandes, autour des hanches, les guêtres en mouton sur les mollets et les couvre-chef de peluche détournée. Les filles ont couvert leur poitrine, entouré leurs ventre et cuisses de fichus perlés. Il font semblant avec conviction. J'ai envie de pleurer.

La chorale arrive. Ils ont tous mis la toge rouge de rigueur. Les bandanas sont en erzatz de léopard. Je n'arrive pas à croire que c'est vrai. J'ai envie de rire.

Je vais retrouver mes émotions d'Afrique dans un documentaire antropo-folklorique!

Ayant fait le deuil d'une vraie rencontre, je m'enfonce en grogant dans mon fauteuil. Après tout, qui suis-je pour dicter au plus grand nombre mes rêves africains?

Ils sont tous là, béats devant le simulacre. Et je suis heureuse pour eux. Finalement, de l'émotion, il y en a, même si ce n'est pas la mienne.

Et nous retournons à notre prison dorée. En chemin, nous croisons rhinocéros, zèbres, girafes et des bêtes à corne au nom bizarre. S'il je ne suis plus sensible à la magie de l'Afrique, je regarde pourtant ces animaux avec une curiosité d'enfant. Comme les autres.

...