12.6.07

Out of Africa

Ce qui est génial avec l'Afrique du Sud, après les onze heures de vol, en espérant qu'il n'y aura pas eu un môme en bas âge pour pleurer tout le voyage, en particulier avec un père qui ne sait pas gérer les desespoirs nocturnes de son mouflet, c'est qu'il n'y a pas de décalage horaire.
Cela dit, arrivant à six heures du matin, on s'en fout. Six heures du matin c'est dur partout.

Après avoir dormi le temps du transport entre l'aéroport et la ville, on arrive à l'hotel. On imagine un lieu cosmopolite, au coeur de la ville. On se retrouve dans un building à cinq étages aseptisé au coeur d'un village toscan en stuc, avec gallerie marchande et casino, entouré de grands murs, de barbelés, de plusieurs passages de sécurité et avec des gardes armés. Las Vegas au pays de la méfiance.

On dit que Johannesburg est l'une des villes les plus dangereuses du monde. J'ai du mal à le croire tant la confrontation me semble exclue. Alors disons l'une des villes les plus peureuses du monde?

Enfin nous y sommes! Nos chaperons attitrés vont nous faire le tour du propriétaire après que nous ayons déjeuné. Après tout, la curiosité n'est que la fille de la satiété. Nous mangeons donc, avec une lenteur du service qui nous rappelle, dans notre impatience, les enfants gâtés que nous sommes.

Nous voilà partis. Première étape: un brocanteur pour touristes. On a du mal à desirer ces objets qui ne veulent rien dire. Et vips, nous voilà repartis.

Deuxième vague, une tournée des bas fonds de la ville, cloîtrés dans le 4x4 de nos hôtes. C'est laid, c'est ravagé par le temps et l'absence d'entretien. Pour quoi faire? Il n'y a que des blacks ici! Pas d'habitations mais des "malls" à l'américaine, décharnés par une offre africaine et des visiteurs désargentés. S'y côtoient des services du tiers monde et des revendeurs à la sauvette pakistanais ou nigerians avec des edredons à motifs seventies et du matériel hi fi de cinquième main. Les gens de petits jobs font la queue aux arrêts de taxi-brousse pour retourner en deux heures à leur townships dont nous ne savons pas encore de quoi ils ont l'air. Un autre groupe s'est rendu à Soweto, peut-être pour en savoir plus sur la véritable Afrique du Sud, sûrement pour se donner bonne conscience: " je ne suis pas resté enfermé dans mon ghetto de riches "

Sur les collines nous contemplons les autres collines de la ville. Pour quel devenir? Et nous rentrons.

Six heures du matin est notre heure africaine. Nous sommes déjà sur place pour ramener au nord des impressions d'Afrique en 16mm. On nous a trouvé une reserve pas trop loin avec un "vrai" village zoulou.

A l'arrivée, et je n'ai pas eu la chance de croiser la faune dont on m'a vanté la présence dans ce lieu "authentique", les trente tonnes sont alignés et ont dégueulé le matériel digne d'Hollywood itself. Le vacarme des groupes eléctrogènes nous informe que l'usine est en état de fonctionnement.

Je regarde les huttes zoulous, au sol en ciment, et les tambours, lances et boucliers de peau - je cherche l'accessoiriste - qui doivent me convaincre que ce lieu est "habité". L'angoisse monte. Est-ce que nous nous sommes bien compris à Paris? Qu'est-ce qui pourra bien sortir de cet endroit autre que des visions factices, des images stéréotypées comme sorties des livres d'histoires précoloniaux? Mais non, ma vieille, tu prolonges le mouron de ton arrivée!

Et les voilà, les autochtones. J'imagine qu'ils portaient des jeans et des jupes en polyester avec des t-shirts à marque et des baskets comme tout le monde en sortant du bus qui les amène du village voisin. On me le confirme. Mais là! Ils sont presque nus, avec un thermomètre frôlant les douze degrés, avec les peaux en acrylique, découpées en bandes, autour des hanches, les guêtres en mouton sur les mollets et les couvre-chef de peluche détournée. Les filles ont couvert leur poitrine, entouré leurs ventre et cuisses de fichus perlés. Il font semblant avec conviction. J'ai envie de pleurer.

La chorale arrive. Ils ont tous mis la toge rouge de rigueur. Les bandanas sont en erzatz de léopard. Je n'arrive pas à croire que c'est vrai. J'ai envie de rire.

Je vais retrouver mes émotions d'Afrique dans un documentaire antropo-folklorique!

Ayant fait le deuil d'une vraie rencontre, je m'enfonce en grogant dans mon fauteuil. Après tout, qui suis-je pour dicter au plus grand nombre mes rêves africains?

Ils sont tous là, béats devant le simulacre. Et je suis heureuse pour eux. Finalement, de l'émotion, il y en a, même si ce n'est pas la mienne.

Et nous retournons à notre prison dorée. En chemin, nous croisons rhinocéros, zèbres, girafes et des bêtes à corne au nom bizarre. S'il je ne suis plus sensible à la magie de l'Afrique, je regarde pourtant ces animaux avec une curiosité d'enfant. Comme les autres.

...

18.7.06

Dîner de filles

C'est pour vous les filles!
Qui aurait pensé un jour que je participerai à des dîner de filles? Et voilà, plusieurs années de rendez-vous dans les restos huppés (ou juste conviviaux et à proximité) de la capitale. L'important c'est nous, ou plutôt ce sont elles, les stars d'un soir, belles et sans reproche, à l'assaut d'un lieu ou elles seront, c'est sûr, le centre du monde!
Pour une fois j'arrive la première, dans ce lieu unique, face à la tour Eiffel, et je les attends, les amazones.
Chaque fois je me dis, bon, j'y vais, mais on va encore se raconter des histoires de bonne femme, et en plus j'ai rien à dire.
Chaque fois j'en sors et je me dis, que c'est bon d'être à la fois si futile et si riche! Et en plus je ne suis pas seule.
Les voilà: Véronique et Elizabeth, souriantes et probablement comme moi, sur un "aller, bon, on va trop boire et trop bouffer, mais c'est pour la bonne cause, et ce sera sympa" et Phane et Sophie et enfin Isabelle.
On sait qu'on va parler trop fort, on sait qu'on va dire des conneries et peut-être qu'on sera persona non grata dans ce bel endroit pour lequel Phane s'est battue pour que nous ayons une table pour 6 en terrasse. Mais nous sommes uniques et les tables alentour s'amusent de notre extravagance de théâtre!
Phane nous distribue la dernière mouture de son féminin benchmark avec un petit collier en cadeau (je le met avec fierté, car je suis la seule à ne pas arborer un collier du dernier fashion scream).
Véronique nous présente le dernier opus du groupe de presse qu'elle a rejoint. On se jette dessus en faisant de gros "beurk" hypocrites en espérant que nous le recevrons pour les détails croustillants des photos survolées. Eh! Il y a quand même une pub Cerrutti et Mercedes (là je ne suis plus sûre des marques mais respectables, si, si!)
Sophie nous fait le point de Francfort by nigh, et nous ne pouvons que promettre de se joindre à elle pour la prochaine beuverie sous pretexte de "grande musique" en juin 2007. Pour compenser je propose un girls' night pour mon prochain spectacle, histoire de mettre un peu de piment transgressif dans ce qui est déjà une débauche d'oestrogène, sponsorisée par Quechua (c)!
Et pourtant, là j'ai déjà fait l'impasse sur les avantages du botox sur le look reposé et le mieux-être de la chirurgie réparatrice des seins.
Sex and the City et Desperate Housewives c'est du pipi de chat à côté de la vraie vie ( mais si on ne les a pas vu, on s'échange déjà les coffrets des saisons complètes).
La discussion se scinde et pour ma part, je ne suis que les tribulations de Véronique au Japon (j'avoue, cela corrobore celles de ma collatérale au pays du soleil levant, donc je suis forcément solidaire!)
On continue sur les anecdotes professionnelles - tout dans la presse - et je remercie de n'en être qu'un témoin affectueux! Et dans le chaos je sens poindre les vraies questions, celles du demain de cet univers impitoyable. Et je sais que derrière les rires ces nanas là feront un peu avancer le schmilblick. Ce n'est pas parce qu'on en parle avec légerté qu'on n'agit pas avec determination!
Et on fini quand même sur du cul. Le seul sujet digne de notre intérêt commun et consensuel. Aujourd'hui ce sera celui de nos enfant pre et adolescents! Tout un monde qui n'est plus le nôtre! Que de sequels en perspective!

Merci les quilles, et à la prochaine...

NB: un peu d'anglish pour Véro, à toutes fins utiles!

29.4.05

Sophie Calle

Je me rappelle une exposition de Sophie Calle à Beaubourg.
Il y avait deux oeuvres qui m'avaient particulièrement émues. L'une était des photos de personnes aveugles avec en dessous leur description de ce que ces personnes trouvaient beau.
L'autre était une une installation d'une trentaine de textes ( peut-être une douzaine ce qui semblerait plus logique) relatant sa rupture avec l'un des grands amours de sa vie. Je vous raconte ça parce que je ne sais pas comment mieux exprimer la douleur d'une telle rupture avec autant de talent. C'est la même histoire, racontée jour après jour, mois après mois, ou souvenir après souvenir avec les altérations du temps, à la fois dans les mots, les formulations et l'image résiduelle et dans la typographie s'éclaircissant au fur et à mesure du passage du temps, pour finir sur une page grise et vide.
Je ne sais pas si sa vision de la rupture est vraie, pour elle comme pour moi ou d'autres. Je l'espère. Je souhaite infiniement que la souffrance s'éfface avec le temps. Je ne suis pas sûre que ce soit vrai. Je pense aujourd'hui que la souffrance change de nature. La souffrance et le regret se recroquevillent dans un recoin du coeur et vous accompagnent, comme des amis dans le reste du temps qui vous reste.

Cela fait maintenant deux semaines que mon âme soeur est partie. Je suis triste et en colère. Quand il me raconte comment il va, il me parle du manque de ses enfants. Et d'une certaine libération quand même. Certes, il va mieux Je le vois bien. Il ne me demande pas comment je vais. Ou juste comme une formule de politesse. De toute façon il ne m'écouterait pas. On se croise encore, pour l'organisation de notre quotidien, les enfants, l'argent, la famille. Pour le prochain dîner, il s'entoure de gens pour ne pas se retrouver,seul, face aux miens.

Ma douleur n'est pas celle de mes enfants, réèlle. Le manque de leur père au jour le jour. Les habitudes soudainement chamboulées. Non. Je pense, j'espère que nos affirmations d'amour sont assez fortes pour les convaincre et les rassurer. Ma douleur, c'est la perte de l'amour. Qui suis-je sans le regard de l'autre,celui qui me trouve séduisante et désirable? Celui à qui je peux raconter les petites anecdotes du quotidien, nos grands projets ( en tout cas les miens!) et ma visions de la vie dans le même souffle et qui comprend?

Ne plus être aimée c'est enterrer une partie de soi. Je suis sûre que même en retrouvant quelqu'un d'autre avec qui partager sa vie on ne réussit pas à raviver cette partie calcinée.

On me dit que je parle si doucement qu'on ne m'entend plus et que ça ne me ressemble pas. C'est vrai. J'ai perdu la force de ma voix en perdant une partie de moi. Je n'ai plus de certitudes. Je me suis refermée. Ma voix est un murmure indécis.

Je sais que je vais continuer de vivre, de m'occuper des miens et du monde. Aujourd'hui c'est difficile, et en même temps automatique. Quand l'étau qui entoure mon coeur va-t-il lâcher prise?
Quand ma solitude sera-t-elle liberté? Le sera-t-elle?

25.1.05

"Rankism" ou les petits pouvoirs

Les « quelqu’un »

La bande de potes : Tous des hommes. Ils ont leur langage codé (ou pseudo-hermétique), qui traite de filles, plus jeunes qu’eux, nombreuses, à l’opulente poitrine, aux fesses et aux lèvres de poupée barbie siliconées, plus petites (mais aux grands talons) et plus sottes qu’eux, interchangeables, de voitures, grosses cylindrées, européennes de préférence, le truchement abusif par lequel ils y ont accédé (mais après tout leur fonction ne leur confère-t-elle pas le pouvoir d’être au-dessus des règles), et du temps record mis d’un point à un autre, de préférence dans des endroits exotiques et exclusifs, des soirées extraordinaires, chez des gens avec un nom à notoriété, de préférence sous influence (dans des quantités pouvant justifier l’intervention des forces de l’ordre).
Ils sortent toujours entre eux, ne parle qu’entre eux et de préférence d’eux ou médisants sur les autres, mais c’est à peine si les autres valent la peine d’une discussion. Ils ne sont pas du même monde. Cette bande de pote est trop cooool !

Le Patron de l’International : Comme tout (très) petit Napoléon qui se respecte, il se considère comme un gourou dans son métier. Il exerce sont autorité frustrée avec une agressivité dictatoriale. Personne ne l’aime ou ne l’admire mais qu’importe. L’important c’est que lui vous trouve une utilité. Alors la flatterie et la veule obéissance (même en dépit du bon sens) vous font entrer dans sa cour. Formaliste à l’extrême, le respect du protocole et des avantages liés à son rang ainsi que la mise en place de procédures de contrôle à tous les niveaux, qui lui permettent d’imprimer son mode de pensée tout le long de ligne hiérarchique, sont la rassurance permanente qu’il est le chef. Sa mise en scène préférée : l’estrade, sur laquelle il guillotine les mécréants à la face du plus grand nombre. Patron de l’international, il l’est de sa tour d’ivoire avec ses pairs à l’autre bout du monde. De toute façon, les pays ne l’intéressent que pour le nombre de têtes qu’il a sous sa domination (et a fortiori les dollars qu’ils ramènent) et qui peuvent le faire grimper davantage dans la seule hiérarchie qui l’obsède, celle de son côté de l’Atlantique. La seule diversité culturelle qui s’applique à ses yeux c’est celle du village global. Et ce village là, il n’y a que lui qui le dirige. Je ne veux voir qu’une seule tête !

Le VP Europe : Archétype du flatteur veule, il reporte ses frustrations sur le niveau inférieur. Il est toujours d’accord avec le chef, essaie vainement d’appliquer les méthodes de non-management qu’il voit fonctionner au dessus. Il lui manque cependant l’autorité, même irrationnelle, pour se faire obéir. Chaque réussite de l’échelon inférieur lui revient, chaque échec celui des incapables locaux, de toute façon choisis par son prédécesseur. Bureaucrate par fonction et par nécessité (quelle est sa valeur ajoutée autrement ?) il veille à l’application rigoureuse des procédures de contrôle, comme le graal de la réussite. Navigant comme il peut dans les eaux troubles des strates intermédiaires, il courbe l’échine en attendant que les orages passent, et vit dans l’angoisse permanente que son incompétence et son inutilité soient exercées par un autre. Et la caravane passe.

Le DG local : Voilà un poste compliqué dans une structure multinationale. Trop autonome, il crée le soupçon sur sa loyauté et entre en conflit permanent avec sa hiérarchie. Trop obéissant, il perd la confiance de ses troupes. Dans ce paradoxe managérial, il est indécis. Entre des directives inadaptées pour des objectifs irréalistes et la montée au créneau sur des actions dans lesquelles il croit, il ne prend pas de risques. Il transmet. De toute façon, il n’a plus foi en rien, sinon dans la préservation de ses avantages acquis. Son objectif : contenir le mécontentement de sa hiérarchie sur des résultats médiocres jusqu’à faire sauter un échelon intermédiaire, sans doute responsable de tous les déboires, et ignorer la frustration des collaborateurs, qui ne sont que des pions qui doivent obéir ou partir. Comme lui, mais lui plus tard et avec plus d’argent. Le precium doloris des cadres dirigeants a son propre barème dans les multinationales. C’est le prix du silence surtout, car la douleur, on s’en fout dans les multinationales.

Les « personne »
Le directeur marketing : Voilà un bien beau titre pour une mission d’organisation et pour faire le tampon entre les différentes frustrations internes. A l’international, on lui fait croire qu’on attend de la réflexion et de la créativité. En local, on attend qu’il soit le faire valoir de la direction générale en mettant en œuvre sans heurts et avec succès en appliquant à la lettre les stratégies développées par le centre, ou qu’il prenne les coups en cas d’échec. Son petit pouvoir, c’est d’appliquer des sanctions quand la frustration est trop forte, de faire fluctuer ses préférences, privilège des petits chefs et faire son rapport en sautant une strate hiérarchique pour faire chier le n+1. On prend les plaisirs qu’on peut !

L’attachée de presse : Elle a tellement côtoyé les stars, les réalisateurs et les producteurs, qu’elle se sent du même monde. Et pour entretenir cette illusion, elle est prête à tous les sacrifices : celui de son corps (dont elle ment sur l’âge depuis des années), celui de sa dignité (en se prenant la mauvaise humeur de tous sans broncher), celui du travail bien fait (quand on s’occupe des talents, quelle importance peut donc avoir une stratégie de presse pour le produits que ces talents représentent ?). Ainsi, elle se considère hors hiérarchie, indispensable au plus haut niveau alors qu’elle n’est que l’esclave du système. Corvéable à merci, elle n’a ni le salaire, ni la liberté de son temps, ni la reconnaissance de la fonction, pour autant qu’il puisse y en avoir une. Alors elle minaude avec les directeurs, complote en croyant pouvoir prendre du galon et use de son petit pouvoir de planification des interviews pour flatter ou nuire aux journalistes en fonction de ses affections ou son humeur. Le top c’est se fait prendre en photo comme une vulgaire groupie avec les grands noms dont elle a la charge temporaire. Cheese !

La chef de pub : Enfermée dans le plus petit bureau de l’entreprise, qu’elle a fini par avoir pour elle toute seule à force de grognements et par son ancienneté, sa vie n’est qu’une longue suite de frustrations. Elle empile les dossiers dans son cagibi, parce que l’ordinateur c’est pour les secrétaires. Elle monopolise jalousement les rendez-vous avec les supports et l’agence de publicité. Si quelqu’un d’autre les rencontre sans elle, c’est forcément contre elle. En réunion, elle vitupère contre tous les choix qu’elle n’aura pas faits, les fournisseurs qu’on aura choisis sans la consulter, contre le management qui ne fait rien et elle qui fait tout. Sa valeur ajoutée est celle de la mauvaise humeur et des conflits permanents avec une entreprise qui ne reconnaît pas sa valeur, avec l’international qui n’y connaît rien, avec les jeunes qui veulent lui prendre son boulot, avec les femmes qui ont l’arrogance d’être plus jeunes. Pour elle, c’était tellement mieux avant. Il n’y a plus qu’à tous leur casser la gueule !

Dans ce système de la terreur répercutée des « quelqu’un » aux « personne » (et on est tous le « quelqu’un » et le « personne » d’un autre), il n’y a pas de solution autre que celle de quitter cette entreprise, en espérant qu’un jour on reviendra à un système ou l’humain sera de nouveau au centre du système, avec des compétences mise en action pour créer de la valeur, l’envie de faire mieux et la confiance les uns dans les autres et dans la structure qui les abrite. Il y a du boulot !

Le premier serait de trouver une traduction à « rankism ». Vos propositions sont les bienvenues.

Les anglophones qui s’intéressent à ce travers des entreprises modernes, ici humblement décrit au travers de mon expérience personnelle, vous pouvez en lire plus sur www.commondreams.org/views/100700.htm (article de R. Fuller) ou www.breakingranks.net.

23.1.05

www.vigeo.fr

Si le développement durable vous intéresse, et que vous pensez que les entreprises ont aussi une résponsabilité citoyenne alors la cotation développée par Nicole Notat va dans le bon sens.
Est-ce que votre entreprise y est cotée? Pour ne savoir plus, vous pouvez consulter www.vigeo.fr

10.12.04

Voilée

Décembre 1942. Je marche boulevard Haussmann et je croise deux femmes qui arborent sur leur manteau une étoile jaune. Je leur adresse un regard que je veux plein de compassion et de solidarité. Je tremble d'indignation intérieure mais je ne fais rien, j'ai peur de la police, de la loi, de l'Etat qui a mis en place cette mesure.

Décembre 2004. Je monte dans le RER direction la Défense. Dans le wagon, je vois une jeune femme enveloppée de la tête aux pieds d'un hijab gris, avec un sac d'où dépassent des polys, qui va probablement à la fac de Nanterre. Je lui adresse un regard plein de haine et de colère. Je tremble d'indignation intérieure mais je ne fais rien, car c'est elle qui a choisi de s'humilier ainsi, de se désigner comme inférieure de moitié à un homme, de se soumettre à des prescriptions aussi archaïques que barbares.

Et je fais le reste du chemin, le long des couloirs et des escalators, un peu honteuse de mon regard de haine, et me demandant ce que j'aurais du faire:

-L'ignorer, en espérant que, bientôt et d'elle-même, elle comprendra qu'elle s'enferme dans une vie pire que ce qu'elle croit rejeter ?

-La plaindre ouvertement, en voyant quels moyens elle emprunte pour se forger une identité, trouver un sens à sa vie ?

-L'apostropher, en lui disant qu'en tant que femme, elle devrait avoir honte de rejeter l'égalité pour laquelle tant de femmes et d'hommes se sont battus et continuent à le faire ?

-Baisser les bras en sachant qu'elle et moi, nous ne parlons plus la même langue, nous ne sommes plus sur la même planète ?

-Lui signaler que le gris ne lui va pas au teint ?

Et vous, qu'auriez-vous fait ?

Contribution de Jessica

6.12.04

Rebellion sur le marché de l'emploi

Les statistiques n'aiment pas les femmes:
Avec un chômage de 9.9% sur l'ensemble de la population, après avoir quand même noté que ce sont les moins de trente ans qui souffrent le plus sur le marché de l'emploi, regardons quand même ce qui se passe du côté des femmes de plus de trente ans: 10.4% de chômeuses contre 7.1% de chômeurs.
Il nous manque cependant le détail sur les décennies qui nous révèlerait peut-être des inégalités supplémentaires entre les plus de 40 ans et les femmes plus jeunes.
Source: Insee enquête emploi 2003 sur
www.inegalites.org

Quand on regarde dans le détail des professions, force est de constater qu'on nous retrouve peu dans les mêmes secteurs ou aux postes de pouvoir des hommes:
(les pourcentages indiquent la part des femmes dans les métiers concernés)

Services aux particuliers 88%
Employées administratives en entreprise 81%
Service de la Fonction publique 77.6%
Intermédiaires de la santé et travail social 77.2%
Institutrices 64%
Chefs d'entreprise 14.5%

Et il n'y a toujours que 6% de femmes dans les conseils d'administration des entreprises françaises (dont 68% seulement une !) contre 8% en Europe, 13.6% aux Etats Unis (Fortune 500) et plus de 20% en Suède ou en Norvège
Rendez-vous compte de la difficulté supplémentaire de rechercher des emplois dans des secteurs structurellement sexistes!
Sources: Insee, enquête emploi sur www.inegalites.org; Euro-baromètre 2004 EPWN

Enfin, quand on regarde l'évolution des salaires sur les générations, on se rend compte (hommes et femmes confondus) que " chômage aidant, les fruits de la croissance économique (...) ont été réservés aux plus de 45 ans". Cette inégalité est probablement renforcée sur la gente féminine qui voit depuis 10 ans le niveau moyen des salaires des femmes à temps complet stagner à 81% du niveau de celui des hommes et ce malgré des niveaux de qualification équivalents.
Sources:
www.inegalites.org ; INSEE

Ces chiffres, normés dans un contexte différent du marché actuel, sont toujours froids à décortiquer et révèlent surtout un manque de données spécifiques sur le chômage féminin, comme si "la privation de l'emploi [ était] moins grave lorsqu'elle affecte le deuxième sexe" (voir Magaret Maruani - les mécomptes du chômage)

La claque du marché
Confronté à la réalité vécue, qu'en est-il vraiment?
Clairement les CV avec plus de 40 ans au compteur ne sont pas prisés par les recruteurs, entreprises ou chasseurs. Un certain nombre d'explications peuvent être suggérées, certaines avouables, d'autres moins.

  1. Trop chère - L'obtention de nos beaux diplômes n'aura servi qu'à bercer notre illusion que nous pouvions revendiquer une progression professionnelle semblable à nos collègues masculins. Sur le terrain, cette progression se heurte à deux phénomènes qui se cumulent: Le refus des décideurs masculins à partager les postes de pouvoir et leurs préjugés sur les capacités de femmes à gérer ces postes (forcément ça ne serait pas pareil qu'avec les copains de la bande!) et par notre propre censure qu'une de mes copines appelle le plafond de verre ( on ne se met pas en situation de prendre le poste supérieur à partir d'un certain niveau perçu par nous comme notre maximum). Ainsi, nous n'exploitons pas notre expérience pour rechercher des postes de niveau supérieur pour lesquels le salaire souhaité ne serait plus un problème, et ce pour autant que l'on y accède (cf préjugés des décideurs) et nous recherchons toujours une petite place sur des fonctions similaires à celles déjà exercées pour laquelle nos exigences deviennent forcément somptuaires, ou revues à la baisse de telle sorte que ça devient inacceptable.
  2. Trop compétente - on risque de mettre en danger le n+1 probablement. Mieux vaut préserver son "petit pouvoir" en s'entourant de gens plus jeunes, moins expérimentés, plus contrôlables que s'appuyer sur sur des compétences complémentaires qui s'affirment dans des discussions et des remises en cause, fussent-elles au bénéfice du développement de l'entreprise et de l'emploi.
  3. Trop vieille - Fatiguée d'avoir déjà eu nos enfants, sans doute incapable de partager notre savoir faire et développer le business avec compétence et énergie parce qu'usée par notre trop grande expérience, on est forcément décatie. Alors on s'intègre moins bien dans l'univers narcissique des entreprises françaises, ou la jeunesse est le miroir de l'élan et de la réussite.

Quelles conséquences à terme?

Tentons de synthétiser ce qu'on a pu entendre ces derniers mois, qui est d'ailleurs valable pour les hommes aussi, mais avec un sentiment de risque qui semble symptomatique chez les femmes.

Le cadre féminin vieillissant est inquiet: il est plus facile et moins cher (?) de changer de personnel que d'accompagner le changement avec le personnel existant. Ou en tout cas, pour ça, il faut une certaine vision de l'entreprise et de son avenir qui va au delà des rapports trimestriels aux actionnaires. La peur est mauvaise conseillère: on doute, on se renferme, on devient peut-être moins efficace dans sa mission. On se voit pousser dans l'impasse de la progression professionnelle voir vers le licenciement. Là dessus les DRH sont d'une créativité effrayante et nous probablement trop abasourdies pour lutter, pour se syndiquer ou pousser jusqu'aux prud'hommes. Et oui c'est vrai, les cabinets de recrutement confirment (off bien sûr) qu'ils recherchent plutôt des hommes 35 ans max, avec un peu d'expérience, moins d'exigences salariales et plus mobiles sur le marché.

La quadra au chômage est anxieuse. Les périodes recherches sont longues, les échecs dans les recherches des coups de boutoir portés à la confiance en soi. Le rapport au temps inversé par rapport à ceux et celles en activité: tout est attente. Le rapport à l'argent aussi. Parce que si à 20 ou 30 ans on se démerde, en général à 40 on a plus de personnes à charge, on se sent coupable de ne pas offrir ce qu'on a pu avant, on à peur pour le confort acquis et qu'on croyait perenne. Alors on peut élargir le spectre des recherches vers des postes moins qualifiés, on peut baisser ses prétentions au risque de faire pitié, mais aura-t-on plus de succès? Alors il reste le réseau des copines et des autres, avec au bout peut-être la rencontre qui peut changer ce cours malveillant des choses .

"C'est pas grave, ton mari travaille", comme si notre contribution n'était qu'accessoire, notre salaire un peu d'argent de poche. Au delà des éléments matériels probablement plus critiques souvent qu'un simple bonus pour le foyer, on nous demande de faire comme si toute nos expériences professionnelles passées n'avaient compté pour rien dans ce que nous sommes. Epouse et mère d'abord, salariée si le marché le veut! Et sur ce marché là, notre voix est à peine un murmure.

Si on rencontre de telles difficultés à 40 ans, qu'en sera-t-il à 50 et comment sera notre retraite alors que la société attends de nous que nous travaillions jusqu'à 65 ans ou plus mais que le marché ne nous trouve pas de place?

Chercher à tâton mais de préférence pas toutes seules

Alors qu'est ce qu'on peut faire?

Si on est au chômage, on peut commencer par en parler, ne pas faire semblant que c'est juste un moment difficile à passer, dans son entourage, dans sa zone d'influence. La difficulté est de dépasser la dimension personnelle et affective propre à la personne et l'inscrire dans une tendance lourde et profondément déstabilisante. Ecoutez autour de vous!

Pour cela il existe de plus en plus de groupes de femmes concernées par la nature de l'emploi de leurs consoeurs qui peuvent développer des reflexions par le contrôle et le pouvoir d'influence qu'ils exercent. (cf www.parispwn.net entre autres)

C'est peut-être le moment de se reposer la question de l'intérêt des syndicats et des organismes publics sinon dans la défense des intérêts des individus, du moins dans la mise en place et le respect des "meilleures pratiques" de représentation de la plus grande diversité sociologique, y compris les femmes là ou elles ne sont traditionnellement pas ou peu présentes. Là, il y a du boulot!

Le changement des mentalités reste une bataille de longue haleine. Mais sans doute chaque signe que nous pouvons donner de notre ambition au quotidien est le meilleur exemple, et la conscience des difficultés le meilleur moteur.

A suivre, forcément!


Les quadras font la gueule Posted by Hello